L.V. BEETHOVEN (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur op.111
Maestoso – Allegro con brio ed appassionato
Arietta (con variazioni) – Adagio molto, semplice e cantabile
La Sonate pour piano no 32 en ut mineur, opus 111, de Ludwig van Beethoven, a été composée entre 1820 et 1822, parallèlement à la Sonate pour piano no 31, opus 110, et à la Missa solemnis.
Œuvre de la dernière période créative du compositeur (son ultime sonate et une de ses dernières œuvres pour le piano), elle opère une synthèse entre la forme sonate, la fugue et la variation. Elle ne comporte que deux mouvements très contrastés dont le second, une Arietta à variations, a été consacré par la formule de Thomas Mann, « l'adieu à la sonate ».
En raison de sa difficulté technique et de ses caractéristiques visionnaires, particulièrement rythmiques, la sonate a été presque ignorée des contemporains du compositeur et a mis longtemps à s'imposer au répertoire. Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XIXe siècle qu'elle a trouvé sa place au concert, passant au répertoire des plus grands pianistes et comptant parmi les œuvres les plus commentées de Beethoven.
La difficulté, tant pianistique que musicale, de la sonate opus 111 lui a valu un accueil perplexe d'une partie du monde musical de l'époque. Avant même son édition chez Maurice Schlesinger, à Paris en avril 1823, le travail d'édition s'est avéré particulièrement ardu, les copistes, graveurs et correcteurs s'étant trouvés confrontés à une partition d'une complexité jusque-là inédite. L'attitude de Schindler, qui demandait sans cesse à Beethoven pourquoi il n'avait pas écrit de troisième mouvement – jusqu'à ce que celui-ci, excédé, lui réponde qu'il « n'avait pas eu le temps » – est révélatrice de l'incompréhension à laquelle a dû faire face le compositeur.
La critique du Leipziger Musik-Zeitung de 1824, pour n'en citer qu'une, alla ainsi jusqu'à juger l'œuvre « indigne du génie de Beethoven ». Et malgré quelques critiques plus élogieuses, comme celle du Zeitung für Theater und Musik de 1823 pour qui l'œuvre « débordait d'idées et de modulations étonnantes », l'opus 111 a mis un certain temps avant de s'imposer dans le répertoire courant. Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XIXe siècle que l'œuvre a trouvé en concert une place importante, notamment par les interprétations que Théodore Ritter et Hans von Bülow en donnèrent dans les années 1850.
À l'exception des œuvres citées plus haut, la sonate opus 111 est donc la dernière œuvre pour piano de Beethoven. Le compositeur ne meurt pourtant qu'en mars 1827, soit plus de quatre années plus tard – quatre années d'intense production qui voient notamment naître la Neuvième Symphonie et les derniers quatuors à cordes ; mais aussi de nombreux projets qui ne seront pas toujours esquissés : une Dixième Symphonie, un quintette, une ouverture sur le nom de Bach, ainsi qu'un opéra sur le thème de Faust, un oratorio sur le thème de Saül, une messe a cappella ou encore un requiem. Il est frappant de remarquer qu'il n'apparaît là plus aucune œuvre pour piano, alors que jusqu'ici Beethoven n'avait jamais cessé d'écrire pour son instrument de prédilection.
Le premier mouvement suit le plan de la forme sonate. Il est composé d'une introduction Maestoso (majestueux, assez lent et solennel), et d'un Allegro con brio ed appassionato (mouvement assez vif et allègre, avec brio et panache, d'un caractère passionné). L'allegro comporte de nombreuses indications agogiques et des nuances extrêmes. La tonalité principale est do mineur, mais les modulations sont continuelles, certains changements de tons étant directement écrits sur la partition (la♭ majeur, mes. 43, et sol mineur, mes. 71).
Le second mouvement de la sonate opus 111 est une arietta, dans la tonalité d'ut majeur, suivie de six variations. Beethoven précise comme indication de tempo et d'expression Adagio molto, semplice e cantabile (très lent, avec simplicité et bien chanté). La mesure principale est un 9/16 assez peu courant (mesure à trois temps ternaires, ayant une croche pointée ou trois doubles croches par temps).
L'opus 111 concentre plusieurs des caractéristiques de la dernière période créatrice de son auteur. En effet, c'est avec les dernières sonates pour piano que Beethoven réalise pour la première fois la synthèse entre la fugue, la forme-variation et la forme-sonate, établissant ainsi les fondements de sa dernière manière. À partir de la Sonate pour violoncelle opus 102 n° 2, plus de la moitié des œuvres majeures de Beethoven comportent une fugue : citons la fugue à trois voix du finale de la Hammerklavier, le finale de la Sonate pour piano n° 31, le fugato choral du finale de la Neuvième symphonie, la vingt-quatrième et la trente-deuxième des Variations Diabelli, la Grande Fugue, le premier mouvement du Quatorzième quatuor.
L’Allegro con brio ed appasionato de la sonate pour piano n° 32 n'est pas uniquement un morceau fugué, il est aussi et surtout un premier mouvement de sonate. Beethoven dans sa dernière période s'est vu confronté au problème d'intégrer la forme sonate dans l'appareil de la fugue. Il répond à ce problème par deux procédés. Le premier consiste à conférer à certains éléments musicaux une double fonction : c'est le cas du premier thème, qui est à la fois thème A1 de l'exposition de la sonate et sujet de la fugue, et de la phrase mélodique de sept croches qui est à la fois thème A2 de l'exposition de la sonate et contre-sujet de la fugue. Le second procédé consiste à alterner des passages « sonate » et des passages « fugue ».
Entre 1812 et 1817, Beethoven traverse une période de crise au cours de laquelle il ne compose que très peu d'œuvres d'importance. La Sonate « Hammerklavier » en 1817, puis la Missa solemnis, commencée en 1818, marquent le début de sa dernière période créatrice à laquelle appartiennent les trois dernières sonates pour piano. Dépassant les concepts historiques courants, le Beethoven des dernières années a atteint une expression musicale inédite et personnelle. Le second mouvement de la sonate op. 111 illustre particulièrement cet aboutissement stylistique, résultant autant des influences précédemment citées que d'une puissance créatrice pleinement retrouvée après plusieurs années de silence artistique. Le premier mouvement montre également la fascination de Beethoven pour Haendel, notamment dans la fugue mêlée à la forme sonate, ou dans les rythmes surpointés de l'introduction : ces rythmes étaient très utilisés dans la musique baroque, en particulier dans l'Ouverture à la française, et préludent à tous les opéras et à tous les oratorios de Haendel.
D'après Wikipedia
La sonate op 111 par François Frédéric Guy