Johannes BRAHMS (1833-1897), Quintette en fa mineur op 34 pour piano deux violons, alto et violoncelle
(Quatuor Zaïde/Théo Fouchenneret, vendredi 11 août, église Saint-Etienne, Vallouise-Pelvoux)
- Allegro non troppo (fa mineur)
- Andante, un poco Adagio (La Bémol Majeur)
- Scherzo : Allegro (do mineur - do majeur)
- Finale: Poco sostenuto - Allegro non troppo - Presto, non troppo (fa mineur)
Le catalogue de la musique de chambre de Johannes Brahms occupe une place centrale dans son œuvre. Il compte vingt-quatre numéros d’opus, écrits dans pas moins de douze formes différentes :
- Sept sonates où le piano dialogue avec un autre instrument : trois pour violon, deux pour violoncelle et deux pour clarinette ;
- Trois trios pour piano et cordes, un trio pour piano, violon et cor et un trio pour clarinette, violoncelle et piano ;
- Trois quatuors à cordes et trois quatuors pour piano et cordes ;
- Un quintette pour piano et cordes, deux quintettes à cordes et un quintette pour clarinette et cordes ;
- Deux sextuors à cordes.
Le quintette en fa mineur pour piano et cordes, l’un des plus grands chefs d’œuvre du genre, a eu une genèse difficile. Dans un premier temps, au cours des années 1861 – 1862, Brahms écrivit une version pour quintette à cordes – avec deux violoncelles comme celui de Schubert – mais, peu satisfait du résultat, il en détruisit le manuscrit. Sur les conseils de Clara Schumann, qui entretenait avec lui une amitié passionnée, il composa une intéressante version pour deux pianos (sonate op. 34b) qui mène depuis une existence parallèle.
Cependant Clara n’était pas entièrement satisfaite du résultat et, devant son insistance, Brahms se remit au travail et donna à son œuvre sa forme définitive au cours de l’été 1864. C’est le chef d’orchestre Hermann Levi qui le convainquit d’adopter la forme du quintette avec piano, et qui manifesta ainsi son enthousiasme : « Le quintette est beau au-delà de tout ce qu’on peut en dire. Quiconque ne l’a pas connu sous ses formes initiales de quintette pour cordes et de sonate pour deux pianos ne pourrait pas supposer que l’œuvre n’a pas été originellement pensée et conçue pour la présente combinaison d’instruments ».
Les mouvements sont ceux de la sonate classique : un mouvement rapide de forme sonate, un mouvement lent, un scherzo et un finale.
Allegro non troppo : son magnifique premier thème reste longtemps gravé dans la mémoire. Il est d’abord exposé dans la nuance mezzo forte par le premier violon, le violoncelle et le piano, puis est repris triomphalement par l’ensemble des instruments. Il donne lieu par la suite à de nombreuses transformations mélodiques et rythmiques, mais sa ligne mélodique si particulière le rend toujours reconnaissable. D’autres idées musicales contrastantes viennent enrichir le discours. Le mouvement se termine en apothéose sur une ultime transformation du premier thème.
Andante, un poco Adagio : en total contraste avec ce qui précède, cette musique rêveuse est portée par un thème d’une grande subtilité rythmique, avec la main droite du piano en savant décalage avec la main gauche, le premier violon et l’alto. Ce thème au doux balancement est complété par trois idées secondaires, qui restent dans l’atmosphère générale du mouvement.
Scherzo - Allegro : le début est saisissant : dans la nuance pianissimo, fantomatique, c’est une sorte de course à l’abîme, et on est déstabilisé par le décalage entre les temps marqués par des pizzicatos du violoncelle et les syncopes insistantes aux autres instruments. Puis tout s’éclaire en une rayonnante fanfare en do majeur. L’énergie qui s’en dégage va culminer dans une course folle où le piano s’oppose rythmiquement aux cordes. Le trio, relativement bref et construit sur une thématique apparentée, apporte une détente bienvenue.
Finale : ce mouvement est en trois parties. Une introduction lente poco sostenuto d’expression presque douloureuse, conduit à une section centrale allegro non troppo d’une foisonnante richesse thématique. Pas moins de quatre thèmes se succèdent et donnent lieu à toutes sortes de variations. Là aussi, dans un épisode présenté à deux reprises, l’originalité de la rythmique brahmsienne fait merveille, avec des syncopes et des changements de rythme « trois pour deux » absolument irrésistibles. Une sorte d’intermède apaisé mène au presto non troppo, qui comporte deux thèmes. le premier, un petit motif de cinq croches en forme de mouvement perpétuel, est présenté aux cordes puis soutenu par le piano. Son caractère haletant contraste avec le deuxième, déclamé fortissimo par tous les instruments. Les deux thèmes se combinent dans un épisode dramatique. Puis tout s’apaise, avant la péroraison finale où les syncopes dominent, une fois de plus !
Bernard Mazas