Fanny MENDELSSOHN (1805-1847) : Quatuor en mi bémol majeur
(Quatuor Zaïde/Théo Fouchenneret, vendredi 11 août, église Saint-Etienne, Vallouise-Pelvoux)
Adagio ma non troppo
Allegretto
Romanze
Allegro molto vivace
Fanny Mendelssohn, née à Hambourg en 1805, est élevée dans l'atmosphère cultivée de l'intelligentsia de Berlin où sa famille emménage en 1811. Elle reçoit une excellente éducation de sa mère, et étudie le piano et la composition auprès des meilleurs professeurs de la ville. Elle entretient des rapports quasiment fusionnels avec son frère Félix, de 3 ans et demi son cadet, notamment sur le plan musical.
Elle épouse en 1829 le peintre Wilhelm Hensel, qui l'encourage à jouer et, contrairement à son père et son jeune frère Félix, l'incite à publier ses œuvres, ce qu’elle ne fera qu’un an avant sa mort. Bien qu'elle ne voyage pas énormément, surtout si l'on compare avec son frère qui parcourt l'Europe. Fanny et son mari partent en 1839 pour l'Italie, où Fanny impressionne les compositeurs français Hector Berlioz et Charles Gounod. Ce dernier la décrit comme « une musicienne inoubliable, une excellente pianiste et une femme d’une intelligence supérieure. »
Son décès prématuré en 1847 fut un terrible choc, notamment pour son frère, qui ne lui survécut que quelques mois.
Il n’est pas excessif de dire que Fanny a été une compositrice empêchée. Deux échanges épistolaires en disent long sur l’état d’esprit qui régnait dans la famille Mendelssohn, pourtant comme on l’a vu instruite et cultivée.
À l’âge de 15 ans, elle reçoit une lettre de son père : « la musique deviendra peut-être pour lui [Felix] son métier, alors que pour toi elle doit seulement rester un agrément mais jamais la base de ton existence et de tes actes. » Félix était du même avis. Il écrit ainsi à sa mère : « L’encourager à publier quoi que ce soit, je ne le puis, car ce serait aller contre mes convictions. Nous avons souvent discuté fermement de cela et je maintiens tout à fait mon opinion. Fanny, telle que je la connais, n’a jamais souhaité devenir compositrice ni avoir une vocation pour cela ; elle est trop femme. Elle dirige sa maison et ne pense nullement au public ni au monde musical, ni même à la musique, tant que ses premiers devoirs ne sont pas remplis. Publier ne pourrait que la distraire de cela et je ne peux pas dire que je l’approuverais. »
Ces obstacles auraient été pratiquement insurmontables sans le soutien actif de son mari. Ainsi, Fanny a laissé plus de 450 (!) partitions : des pièces pour piano, des chants solistes et choraux, des cantates sacrées et profanes, de la musique de chambre et une ouverture d'orchestre.
Le quatuor en mi bémol majeur, composé en 1834, porte la trace d’une très forte inspiration musicale que n’aurait certainement pas reniée son frère. Mais il est également remarquable par sa grande originalité. Déjà le premier des quatre mouvements s’ouvre de façon surprenante par un Adagio ma non troppo très expressif, d’abord en ut mineur et n’atteignant le ton principal qu’à la fin du mouvement. Il est suivi d’un scherzo Allegretto bondissant avec un trio très développé sur un thème fugato virtuose. La Romanze, délicatement énoncée, s’anime peu à peu avant d’atteindre une grandeur tragique dans sa partie centrale, puis une fin apaisée en sol majeur. Il faut attendre le final pour retrouver enfin un mouvement en forme sonate. Cet Allegro molto vivace final, virtuose et inventif, fait irrésistiblement penser, par moments, à du… Mendelssohn.
Cette dernière remarque vaut pour l’ensemble du quatuor. À entendre cette œuvre magnifique, à réentendre les œuvres de son frère, on peut légitimement se poser la question : qui s’est inspiré de qui ?
Bernard Mazas