Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827) : 7e Quatuor en fa majeur op. 59 n°1

 

Allegro –

Allegretto vivace e sempre scherzando –

Adagio molto e mesto –

Thème russe

 

 

Les trois quatuors de l'op. 59 ont été composés en 1806 et dédiés au prince Razumovski, ambassadeur de Russie à Vienne. Ils sont donc contemporains d’autres œuvres majeures de la « seconde manière » de Beethoven, telles que le quatrième concerto pour piano, la quatrième symphonie et le concerto pour violon.

Par rapport aux six quatuors de l’op. 18, encore imprégnés de l’influence de Haydn, ces œuvres marquent une rupture radicale à la fois sur le plan de la durée (quarante minutes de musique pour le quatuor en fa : jamais auparavant on n’avait osé cela !) et sur celui de l’écriture musicale, dont la richesse, la profondeur et l’originalité sont véritablement confondantes. Beethoven est ici en pleine possession de ses moyens.

D’une dimension hors du commun, le quatuor en fa majeur op. 59 n° 1 est peut-être le plus rayonnant, le plus équilibré, l’un de ceux qui donnent le plus l’idée de la perfection dans l’art. C’est un Beethoven conquérant de nouveaux espaces sonores et génialement inspiré qui s’exprime ici.

Allegro. D’entrée de jeu, le ton est donné : il s’agit d’un de ces thèmes chantants et bien campés dont Beethoven a le secret (on songe au début du trio l’Archiduc). Énoncé d’abord au violoncelle, il est immédiatement repris par le premier violon qui l’élève vers une puissante conclusion. La suite défie l’analyse : les épisodes, les thèmes, les atmosphères s’enchaînent, avec une inventivité sans cesse renouvelée, mais tout cela sans temps mort, et sans que l’auditeur ne perde le fil du discours musical.

Allegretto vivace e sempre scherzando. Nous étions déjà sur des sommets, mais ce deuxième mouvement va plus loin encore, s’il est possible. Voici un monde à lui tout seul, sans équivalent dans toute la littérature pour quatuor à cordes. On peut y voir trois éléments contrastants. Ce qui frappe d’emblée, c’est le rythme obsédant énoncé par le violoncelle sur une seule note. Ce rythme sera repris, harmonisé, transformé de mille et une manières, mais toujours aisément reconnaissable. En deuxième lieu, des épisodes scherzando, en notes piquées, introduisent une certaine légèreté, presque de l’espièglerie qui contrepointe le côté parfois implacable du motif rythmique. Enfin, des thèmes plus mélodiques – mais toujours très rythmés – dégagent une atmosphère tantôt paisible, tantôt inquiète. Il faut entendre comment Beethoven utilise ces « ingrédients », les transforme les uns vers les autres pour en faire la plus belle musique du monde.

Adagio molto e mesto. Autant le scherzo était remarquable par l’abondance des motifs et la variété des combinaisons, autant l’adagio l’est par la simplicité et la largeur de sa construction. L’admirable mélodie initiale impose le caractère triste – mesto – qui va imprégner le mouvement, malgré des épisodes consolateurs, voire apaisés. Tous ces sentiments sont ici exprimés avec une grande force intérieure, et il est merveilleux de voir avec quel naturel Beethoven passe d’une expression à l’autre en l’espace de quelques mesures.

Soudain, le discours musical se fait plus « objectif » : la tension se relâche, la ligne de chant du premier violon se délie en un dessin de quadruple croches ; on entend de simples gammes, puis un trille, et c’est la transition vers le finale.

Allegro (Thème russe). C’est encore le violoncelle qui énonce, sous le trille prolongé du premier violon, ce fameux thème russe utilisé par Beethoven en hommage au dédicataire de l’œuvre. Bien que de caractère joyeux et entraînant, il n’est pas sans un soupçon de mélancolie, et Beethoven tirera parti à merveille de cette ambiguïté dans ce finale où l’on sent sa volonté de donner une dimension symphonique au quatuor, préoccupation qui trouve son apogée dans le finale du quatuor en ut majeur op.59 n°3.

 

Bernard Mazas

 

 

 

Le quatuor op 59 n°1 par le quatuor Hanson :